📚 4ème de couverture :
« Un jour, dans mille ans, un archéologue explorera ton refuge. Il comprendra que l’ouvrage militaire a été recyclé en ermitage. Et s’il lui vient l’idée de gratter sous la peinture ou la chaux, il exhumera des fresques colorées intitulées La Vie de David Claessens en sept tableaux. Je les connais par cœur, ils sont gravés à tout jamais dans ma médiocre mémoire, je peux vous les décrire, si vous voulez faire travailler votre imaginaire :
L’enfant prodige choisit sa voie.
Il suscite espoirs et ambitions.
Le fils trébuche, s’éloigne, ressasse.
Dans son exil, l’enfant devient un homme.
Le fils prodigue, tentant de regagner son foyer, s’égare.
Blessé, il dépérit dans sa prison de béton.
Mais à la différence des tapisseries de New York, ton histoire est en cours ; il nous reste quelques tableaux à écrire, toi et moi, et je ne désespère pas de te faire sortir un jour du bunker. La clé de ton enclos, de ta cellule 77, c’est moi qui l’ai, David. Moi, Ariane, ta sœur. »
🖋 Mon avis :
Entrez, installez-vous. Rang F, place 14. Chut, parlez sotto voce, ça va commencer. Mais le maestro a les mains couchées…
Nous sommes tous ici pour rendre un dernier hommage à Claessens père, ancien pianiste devenu chef d’orchestre de grande renommée. Et aujourd’hui, c’est sa fille, Ariane, qui va jouer. Pour lui, pour nous, pour eux. Pour leur famille abîmée. Pour elle. Pour son frère. Un concerto pour violon joué au piano, l’Opus 77 de Chostakovitch. La sœur rejoue le frère, parle du père, effleure la mère. Leur famille sur une partition.
Nocturne (moderato). Sans faire de bruit, je suis entrée et me suis terrée. Sous le piano. De là, j’ai écouté les voix frotter les cordes et les frapper. Je n’y connais presque rien à la musique, mais j’ai tendu l’oreille, attentive. Piano, elle est entrée et mon cœur a vibré. Pizzicato. Coll’arco. Avec les doigts, avec l’archet. Ne me parlez plus. Ecoutez.
Scherzo (allegro). Emportée. C’est monté crescendo. Je ne pouvais plus le lâcher. Prise dans l’orchestre, impossible de partir. Ariane, j’ai suivi ton fil. Tes mains posées sur les 88 touches du clavier m’ont fait entendre ton piano, son violon, ta famille. Ses déchirures. Les pieds en équilibre sur la tablature, je n’ai raté aucune mesure. J’ai entendu l’importance des silences, regardé la baguette du chef, observé les mains des musiciens. Votre musique, désaccordée, abîmée. C’est fort, beau et puissant. J’entends.
Passacaglia (andante). Les pages volent, englouties par la cadence. Le violon devient maestro. De tout mon corps, je vous écoute. Mes yeux d’abord, puis mes oreilles, et mon cœur. Je pleure.
Burlesque (allegro con brio – presto). Je m’enivre de ces mots. Les phrases m’ont soulevée. C’est la fin, déjà. Je bafouille et ferme ces pages sur un dernier coup d’archet. Magistral.
Opus 77 donc. Un immense coup de cœur. J’aimerai tellement que vous le lisiez… Les silences sont essentiels mais ne doivent pas durer, alors quand le livre a bouleversé, il faut en parler. Et je n’en ai pas fini, vous savez. Le concert vient de commencer.
Merci mille fois à Babelio et aux éditions Viviane Hamy de m’avoir proposé ce livre. Sans vous, je ne l’aurais probablement jamais lu 🙏
Un commentaire sur “Opus 77, de Alexis Ragougneau”