
Je ne savais pas, en ouvrant ce livre, que je m’installais sur une planche. Face à moi, Antoine Dole en lanceur de couteaux pas décidé à m’éviter, et ses mots, ses phrases, courtes, en poignards. Certains m’ont effleurée, plantés au plus près pour m’empêcher de bouger. Souffle coupé, à ce moment-là, je respirais encore. D’autres m’ont transpercée. Le cœur, le ventre. Les jambes. En plein dedans. A genoux la lectrice. L’écrivain sait viser, sans trembler, laissant ça à ceux qui le lisent.
J’ai donc tourné la première page sans me méfier et écouté penser celui qui raconte, qui veut dire. J’ai senti sa boule de mots trop mâchés au fond de la gorge. A force de les garder sans pouvoir rien en faire, ils se sont agglutinés. Morceaux de chair arrachés qui ne veulent pas être avalés. Mais au cours du repas, c’est décidé, il tentera de les cracher, les envoyer au milieu de la table, aux yeux de tous. Ce sera ici, maintenant. Mais qu’il est dur de dire, qu’il est dur de sortir ce qui est coincé. La vie en éboulis, tombée, cassée. Et la voix qui essaie d’en sortir, écrasée. Au fond de la gorge, le cristal pur de l’enfance devenu verre pilé. La fracture n’a rien épargné.
Il n’aura fallu que 45 pages à l’auteur pour me fracasser. 45 pages, ce n’est rien, me direz-vous. Détrompez-vous, parfois c’est exactement ce qu’il faut. Le talent n’a pas besoin de plus pour s’exprimer, il sait exploser en espace restreint.
Mr Dole, je vous ai découvert grâce à ma fille, fan d’Adèle. Jamais je n’aurais cru que, du haut de ses 9 ans, elle me mènerait à un auteur que j’aimerai autant. Heureusement que ma curiosité et mon amour pour la littérature estampillée jeunesse m’ont guidée jusqu’à ce livre-là, bien orientée que j’étais par ma jolie Rose. Je vous lirai à nouveau, soyez-en certain. Je reviens de mourir m’attend d’ailleurs déjà et je pressens que je n’en sortirai toujours pas indemne.
Et vous, lecteurs, franchissez la barrière, dépassez vos a priori. Il n’y a pas que Oui-oui au rayon jeunesse, il y a Antoine Dole aussi. Et vous savez quoi ? C’est mortel ! 😉