Les possibles, de Virginie Grimaldi

Voir les possibles quand certains ne verraient peut-être que ce qui ne le sera plus.
Voir tout ce qu’il reste, à faire, à dire, quand l’horizon semble se réduire.
Voir le présent en grand quand le futur se trouble.
S’attarder plutôt que se projeter.
Regarder plus large à défaut de voir plus loin. Tourner la tête pour voir autour.

Savoir regarder la porte fermée et y trouver, en prenant le temps de l’observer, le trou de cette serrure sans clé. Y jeter un œil, s’y glisser, et voir l’essentiel, le chemin qui continue, juste là sous nos pieds. Y cueillir ce qu’on y trouve et regarder les merles dans les cerisiers. Ramasser leurs plumes pour s’en faire un panache de guerrier.
Chanter. Écouter.
Et puis apprendre les pas de côté, dans l’herbe, près de notre sentier. Celle-là même qui, à bien y regarder, n’est effectivement pas plus verte qu’ailleurs mais qui est la nôtre et qu’on se surprend à aimer.

Les possibles, c’est tout ça et plus encore. C’est l’histoire de Juliane et Jean, d’une fille et de son père. L’histoire de l’une qui recueille l’autre. De ceux qui se souviennent pour celui qui oublie. D’un esprit qui s’éparpille et s’échappe et de ceux qui marchent assez droit pour le soutenir mais qui savent aussi zigzaguer pour le suivre. De ceux qui courent aussi. De ceux qui aiment surtout.

Que vous dire de plus si ce n’est que Virginie Grimaldi m’a ramené loin, en arrière et en dedans ? Elle m’a guidée là où je ne voulais plus aller, m’a aidé à voir mes regrets et les a transformés en des souvenirs moins lourds à transporter. Elle m’a fait rire et beaucoup pleurer. M’a offert une histoire que je n’oublierai jamais.
Oui, elle sait faire ça Mme Grimaldi. Elle sait écrire et panser. Elle sait trouver les mots qui sourient, ceux qui bouleversent, ceux qui apaisent et qui consolent.
Nos cœurs dans le viseur, le sien dans le carquois, sa plume à elle, elle ne s’en coiffe pas mais la tient entre ses doigts. Elle a visé, toujours aussi juste, et m’a encré le cœur de ses Possibles. Et j’ai grimaldisé. Encore.

Zébu boy, d’Aurélie Champagne

Je ne saurais pas vous dire d’où ça venait, de la forêt, de l’aody, d’Ambila lui-même peut-être, mais ce qui m’a submergée sur la fin venait de loin.
Je ne saurais pas vous dire depuis quand précisément, d’un mot, d’une phrase, d’un chapitre peut-être, mais ça faisait quelque temps que ça m’enserrait.
Vous le voyez, je ne saurais pas vous expliquer précisément pourquoi mais je me suis laissée prendre. Dans le mouvant, le vivant. Laissée happer comme par une bahine, un courant, qui m’a emportée sans prévenir et m’a emmenée loin. Au large de Madagascar. Au cœur de sa forêt. Collée à celui, battant, d’Ambila. Et ce n’est qu’en refermant Zébu boy que je me suis échouée, lessivée par le tourment et l’histoire de celui qui revient. Celui qui reste.

Tout commence en mars 1947 à son retour de la guerre en métropole, après qu’il ait combattu pour « la très grande France ». Enrôlé pour servir un pays qui le méprise et l’oublie, le colonise et l’asservit, Ambila revient sur une terre qui tremble de colère. Etayé de ses espoirs depuis son départ, son retour se heurte au temps qui a passé, soufflant, emportant, et aux colères qui se sont soulevées. Son chemin n’a plus rien de familier mais qu’importe, il avance quand même. Et nous avec.
En l’accompagnant, j’ai voyagé dans le temps et sur les pistes, dans une 202, une rosalie, un wagon à bestiaux. À pieds aussi, nus ou mal chaussés. J’ai eu peur. J’ai ressenti la colère et la souffrance. L’envie de hurler. J’ai lu à m’en faire tourner la tête, accrochée comme je pouvais à cet homme, Ambila. Le Zébu boy. Celui que je n’oublierai sûrement jamais.

L’instant de la fracture, d’Antoine Dole

Je ne savais pas, en ouvrant ce livre, que je m’installais sur une planche. Face à moi, Antoine Dole en lanceur de couteaux pas décidé à m’éviter, et ses mots, ses phrases, courtes, en poignards. Certains m’ont effleurée, plantés au plus près pour m’empêcher de bouger. Souffle coupé, à ce moment-là, je respirais encore. D’autres m’ont transpercée. Le cœur, le ventre. Les jambes. En plein dedans. A genoux la lectrice. L’écrivain sait viser, sans trembler, laissant ça à ceux qui le lisent.

J’ai donc tourné la première page sans me méfier et écouté penser celui qui raconte, qui veut dire. J’ai senti sa boule de mots trop mâchés au fond de la gorge. A force de les garder sans pouvoir rien en faire, ils se sont agglutinés. Morceaux de chair arrachés qui ne veulent pas être avalés. Mais au cours du repas, c’est décidé, il tentera de les cracher, les envoyer au milieu de la table, aux yeux de tous. Ce sera ici, maintenant. Mais qu’il est dur de dire, qu’il est dur de sortir ce qui est coincé. La vie en éboulis, tombée, cassée. Et la voix qui essaie d’en sortir, écrasée. Au fond de la gorge, le cristal pur de l’enfance devenu verre pilé. La fracture n’a rien épargné.

Il n’aura fallu que 45 pages à l’auteur pour me fracasser. 45 pages, ce n’est rien, me direz-vous. Détrompez-vous, parfois c’est exactement ce qu’il faut. Le talent n’a pas besoin de plus pour s’exprimer, il sait exploser en espace restreint.

Mr Dole, je vous ai découvert grâce à ma fille, fan d’Adèle. Jamais je n’aurais cru que, du haut de ses 9 ans, elle me mènerait à un auteur que j’aimerai autant. Heureusement que ma curiosité et mon amour pour la littérature estampillée jeunesse m’ont guidée jusqu’à ce livre-là, bien orientée que j’étais par ma jolie Rose. Je vous lirai à nouveau, soyez-en certain. Je reviens de mourir m’attend d’ailleurs déjà et je pressens que je n’en sortirai toujours pas indemne.
Et vous, lecteurs, franchissez la barrière, dépassez vos a priori. Il n’y a pas que Oui-oui au rayon jeunesse, il y a Antoine Dole aussi. Et vous savez quoi ? C’est mortel ! 😉

Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson

Je n’avais jamais lu Tesson. Et pire, je n’avais jamais eu envie de le lire. Mais ne dit-on pas qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ? Alors, même si j’ai tendance à l’être sacrément parfois, quand il s’agit de littérature, je n’ai pas ce travers-là. J’ai donc lu Tesson, cet écrivain-voyageur parti seul, 6 mois, dans une cabane au bord d’un lac de Sibérie. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas le froid qui m’a giflée, c’est le livre tout entier.

On le croirait fou, n’est-ce pas, cet homme à ce point éloigné de la société qu’il décide, au moins pour un temps, de s’en échapper. Mais croyez-moi, s’il l’est, alors il est des fous qu’on devrait écouter plus attentivement.
Se soustraire au monde est sûrement l’un des actes de rébellion les plus forts, mais c’est aussi accepter de se confronter, soi, et de voyager plus loin que ce que l’on aurait pensé, au cœur de notre propre forêt. C’est se risquer au possible ennui, à côtoyer son chaud et son froid, et oser se regarder sans artifice et sans reflet, puisque sans l’Autre.
 
Alors j’ai accepté de m’attarder et de frissonner en plein été. Au bord du lac Baïkal, j’ai écouté Sylvain Tesson me parler des ours, de la vodka, des pins nains et des mésanges lugubres. J’ai lu en tendant l’oreille. Sur le papier, sa voix et le silence des hommes. Autour, les bruits de la forêt, de la vie vraie, loin du tumulte citadin. Et en sentant le vent gronder et la froidure m’envelopper, je me suis abritée dans la cabane à mon tour et m’y suis sentie bien, protégée. Cocon utérin, foyer maternel, elle m’a prise en son sein tandis que je m’y enivrais des aphorismes de celui qui l’habitait.
 
Il ne faut pas se fier au calme apparent de l’eau après son gel, ni à celui de la forêt en plein hiver. Ne pas croire l’ermite aussi tranquille qu’il y paraît. L’agitation est plus profonde que ce que la surface et les cimes ne laissent deviner. On pourrait ne voir à peine que quelques fissures, un peu de vent dans les branches alentour, mais dessous, la vie, ses mouvements et ceux passionnants de l’esprit-fleuve du Tesson. Ainsi, si l’ermite est philosophe, il est aussi et surtout moins tranquille qu’il n’y paraît car l’esprit ne connaît pas le repos. Et tant mieux, parce que le lire aura apporté beaucoup au mien.
Ainsi, si l’ermite est philosophe, il est aussi et surtout moins tranquille qu’il n’y paraît car l’esprit ne connaît pas le repos. Et tant mieux, parce que le lire aura apporté beaucoup au mien.

Loin des hommes, retiré de la société, l’anachorète y pense pourtant souvent et nous livre, par bribes, ses pensées. Mais était-il vraiment si seul dans sa tanière ? Pas vraiment. Entouré de ses livres, de ses chiens, de vodka et de son temps libéré, Tesson s’accompagne et nous offre une place dans sa bulle.


Alors oui, je n’avais jamais lu Tesson, mais j’ai lu Tesson, et je relirai Tesson. Et je compte bien continuer à le conjuguer à tous les temps, longtemps.

Ma story, de Julien Dufresne-Lamy

Ce n’était pas prévu mais Batool va passer à la télé ! Repérée sans avoir rien demandé, elle hésite peu et finalement se démène pour convaincre sa famille d’accepter. Il faut dire que c’est tentant, cette sorte de Kho Lanta pour adolescents. Et à peine annoncée, la nouvelle fait son effet et à son retour, elle est devenue une star dans son lycée. Elle, Batool, jeune fille sans histoire. Sauf que justement, créer des histoires, la télé, elle sait faire. Alors d’images coupées en paroles tronquées, Batool va découvrir chaque semaine ce qu’il reste de son aventure depuis son canapé. Jusqu’au jour où…

J’arrête là le résumé parce que cette histoire, il faut la lire et la faire lire. A nos ados, à nos enfants. A tous finalement. C’est un petit livre important qui met la lumière sur la manipulation par l’image et les mots, et les dérives des réseaux sociaux. En quelques pages, Julien Dufresne-Lamy souligne l’importance du recul, de la réflexion, du doute, de la bienveillance. Ne pas juger trop vite, trop fort, tant qu’on ne sait pas tout, et même si. Penser à l’autre, celui dont on se moque, celui qu’on insulte, celui qui reste derrière, de l’autre côté, et qui reçoit les vagues. A l’heure du tout-va-vite, du tout-public, des mots et du soi affichés, le harcèlement prend une toute autre mesure. Ce n’est pas nouveau tout ça, évidemment, mais l’ampleur a changé. Et pour les souffre-douleur, il n’y a vite plus d’abri.

J’ai été touchée, très touchée, par Batool. Alors j’ai glissé ce livre sur le chevet de ma fille, pour qu’elle sache, qu’elle réfléchisse, et qu’on en discute, encore. Parce que même à 9 ans et encore préservée, elle peut comprendre et apprendre, à se méfier, à mesurer ses mots, mais aussi à se protéger. Parce que justement, à 9 ans, ce livre-là se fera graine et grandira avec elle. Et je ne peux que vous conseiller de faire de même. Le format est parfait (96 pages, mise en page claire et aérée), le prix aussi (5,90€). Y a plus qu’à foncer en librairie 😉

Et que ne durent que les moments doux, de Virginie Grimaldi

Il y a les chambres que l’on n’a pas eu le temps de préparer, et celles qui ont vécu. Le berceau pas monté pour l’une, les posters encore punaisés dans l’autre. La vie qui arrive, trop vite, et qui reste sous cloche, et celle qui part s’épanouir ailleurs, autrement. L’enfant ici, l’enfant là-bas, mais toujours trop loin des bras. Deux mises au monde, deux peurs, deux douleurs de mère, et les angoisses, les hésitations, les doutes qui vont avec. Du nouveau-né au déjà-grand, chaque étape de l’enfant fait naître une nouvelle femme, aux premiers pas hésitants et aux nuits sans sommeil.  Et chacune de ces mues laissent des cicatrices presque invisibles au dehors mais toujours sensibles au dedans. Parce que si les traces extérieures s’estompent souvent, le cœur lui, se souvient sans cesse.

Ce sont pour ses raisons que, quand Virginie Grimaldi a rapidement présenté son nouveau roman il y a quelques semaines, j’ai tout de suite su. Oui, j’ai su que son cœur allait encore faire déborder le mien. Et sans en avoir lu un mot encore, tout est remonté. Piqûre. Ouverture. 1,8kg, on l’emmène Madame. Agrafes. Où est mon bébé ? Et puis les larmes, les blouses, les bips, les sondes, les pesées. Les couches trop grandes, les bras trop vides, le cœur si plein.

Alors bien sûr, j’ai lu douloureusement, mais j’ai aussi souri, et ri, beaucoup. Et puis j’ai ressorti ma première bande tubulaire/écharpe de maman kangourou, touché mon ventre, embrassé mes enfants. Appréhendé le futur, fait revivre le passé. Et plus je tournais les pages, plus mes cicatrices rosissaient. Parce qu’elle sait faire ça, Virginie. Elle sait mettre du baume là où le cœur en a besoin, en écrivant avec bienveillance et humanité la vie et les gens, les vrais, ceux qui ont des sourires qui tremblent, ceux qui doutent, les imparfaits, les trop et pas assez, ceux qui marchent droit mais qui boitent une fois leur porte fermée. Ceux qu’on croise. Ceux qu’on est. Et ça fait du bien, tellement de bien.

Alors je dis oui, Et que ne durent que les moments doux. Et sous la plume de Virginie Grimaldi, c’est bien parti pour, croyez-moi.

Je ne veux pas être jolie, de Fabienne Périneau

Sa mère est morte. « Jo, reste, ta mère est morte. » Non merci. Non, elle ne restera pas, et non, elle ne pleurera pas non plus. Parce qu’en partant, la mère lui a tout renvoyé. Ses souvenirs de petite fille, ses huit ans, sa vie, avant. Avant qu’elle ne meure un peu, beaucoup. Avant qu’un été à la mer, sans la mère, ne la fasse vieillir au-delà du dicible. Sa mère est morte et ce qui sort ce ne sont pas les larmes, c’est le passé qui remonte, c’est le sable qui s’envole et qui laisse au jour ce qu’elle avait enfoui, profond, loin, au cœur.

Un mois d’été chez l’oncle et la tante. Un mois, si long. Un mois qui fait prendre des années. Et puis la mère revient, et on repart, presque, pas vraiment. On y a laissé quelque chose là-bas, quelque chose qui ne se récupère pas.

Les mots tus, cachés, pendant si longtemps, se réveillent. Tant d’années sans pouvoir dire, mais aujourd’hui encore, on ne veut pas entendre, on n’a rien vu. Les trois singes pour protéger celui-qui et tant pis pour celle-qui. Parce que ça cache le soleil les petites filles parfois, et puis ça se noie. Alors ça gêne, ça gâche. Un été, une famille, des vies, une seule. Chut, on te dit… Dis merci, sois polie, tais-toi. Tais-toi. Terre ça. Maintenant, demain, toujours. Il y a des maux qu’on ne dit pas. Les mots, c’est comme les petites filles, il y en a qui gênent, qui cassent, qui noient. Alors oui, tant pis pour celle-qui. Oui, tais-toi. Toujours. Ne dis pas le mari. Ne dis pas tes 8 ans. Ne dis pas certaines nuits. Ne dis rien sauf merci. Sois polie.

Tout est toujours question de silence n’est-ce pas ? On nous l’apprend depuis toujours, il vaut cher. Peu importe ce qu’il coûte, on veut ses lingots. Mais aujourd’hui, alors qu’on enterre la mère, la parole veut s’exhumer. Sa parole à elle. Non, pas de merci cette fois-ci. Pour panser il faut parler. Oui, la parole a des elles. Elles ont la parole. On a la parole. Peu importe quand, peu importe qui, peu importe à quel prix. Peu importe ceux qu’on perdra et le mal que ça fera.

Vous dire que ce livre m’a bouleversée serait bien réducteur. Il a pris mon cœur, l’a serré entre ses points, tordu entre ses lignes, gonflé de ses mots. Il y a des thèmes plus difficiles que d’autres, mais plus forts aussi. Et le talent d’un.e auteur.e se révèle souvent dans ceux-là, quand il/elle arrive à nous prendre au creux de sa main, contre sa plume, et que nous n’y sommes pas protégés, mais capturés. Fabienne Périneau a réussi ça. Elle m’a emmenée dans le cœur et la tête de cette femme à petits pas. Sans savoir, je savais déjà. Et à tâtons, au fil de la parole qui naît, j’ai écouté, révoltée comme si c’était vrai. Parce que oui, ça l’est, quelque part, un jour, trop souvent. Et que ce soit à travers une histoire ou un témoignage, c’est important de le lire, de le dire. Merci Mme Périneau, pour tout ça. Et merci Valmyvoyou_lit, parce que c’est ton retour qui m’a fait découvrir ce livre.

Le crépuscule du paon, de Claire Bauchart

Concilier vie de famille et travail, vie de mère et vie de femme, travailler dehors, dedans, tout le temps, tel est le quotidien compliqué de beaucoup de femmes, et Pascaline est l’une de celles-là. Brillante journaliste du service politique d’un grand quotidien, ses états de service font d’elle bien plus qu’une simple échotière et, de fait, la cible facile des dépits envieux de ses collègues. Et rien n’ira en s’arrangeant quand elle plongera la tête la première dans les dessous de l’attribution des marchés publics du BTP…

J’ai aimé ce portrait de femme, mais je crois que, contrairement à beaucoup de lecteurs, c’est l’enquête qui m’a le plus passionnée. Que voulez-vous, j’aime ça moi, détricoter, chercher, fouiller, et d’autant plus ici, où le jeu de piste m’a emmenée dans les hautes sphères politiques. Et puis faut dire qu’elle est attachante, Pascaline. On s’y retrouve, un peu, beaucoup. Prise entre plusieurs feux, tiraillée entre toutes ses obligations, débordée mais coriace, tenace. Et même si on ne s’y retrouve pas, l’investigation saura faire le lien. Si, si, croyez moi. Parce qu’elle est sacrément bien menée cette enquête. On sent que l’autrice connaît non seulement son sujet, mais qu’elle le maîtrise. J’aurai même aimé qu’elle m’en donne plus encore, que ce soit encore plus développé. Parce qu’une fois que j’ai mis le nez dans un sac de nœuds, j’aime prendre le temps de le défaire, fil après fil. Mais peu importe finalement, car cela n’enlève rien à la qualité de cette histoire.

J’ai donc suivi avec plaisir la plume précise et intelligente de Claire Bauchard dans cette intrigue prenante. Et j’ai aimé voir l’obscurité entourant les malversations du milieu politique et des grandes entreprises disparaître peu à peu, dispersée par la lumière de lanternes tenues par ceux que l’on a cru sans importance, les trop souvent snobés, ignorés, ceux dont on se sert sans les considérer. Mais il suffit parfois d’un tout petit caillou pour mettre à mal tout un engrenage, et ceux qui les font tourner n’y prêtent souvent pas suffisamment attention.

Alors merci @clairebauchart pour ce très bon moment de lecture !

Tout le bleu du ciel, de Mélissa Da Costa

Emile cherche un compagnon de voyage, quelqu’un pour faire l’aller avec lui. Le retour n’existera pas à deux. Joanne sera celle-là, qui viendra doucement, presque sans un mot. Et c’est là que tout commence, quand tout est près de s’arrêter.

Atteint d’un Alzheimer précoce, il ne reste à Emile que deux ans, tout au plus. Alors, pour ne pas rester branché, pour vivre loin des regards tristes et apeurés, il décide de partir, en camping-car. Vers les montagnes, la nature, sa liberté. Vers la vie vraie.

Je ne savais rien en démarrant ma lecture. Rien de rien. Alors je suis montée dedans, sans bagage. J’ai eu un peu peur au début, je dois bien l’avouer. Plus de 800 pages, ça effraie. Mais je me suis dit qu’au pire, ça calerait une porte, ou un meuble un peu bancal. Je ne pensais pas que c’est moi que ça aiderait, moi que ça redresserait.

800 pages tout de même ! vous me direz. Oui, mais c’est ce qu’il faut pour voyager. C’est ce qu’il faut pour prendre le temps de regarder, le ciel, les montagnes, les plantes, la mer, les gens. Il faut savoir ralentir quand tout s’accélère. Lever le pied pour respirer. Moi j’ai englouti les kilomètres sans lever le nez. Je les ai écoutés, lui et elle. Je les ai observés, vu leurs larmes parfois couler, parfois retenues. Les yeux rivés au papier, j’ai regardé ces deux-là s’appréhender, s’apprivoiser, se dévoiler. Et c’était bien. Et c’était beau. Et c’était ce qu’il me fallait.

Regarder la vie tisser, avec le dernier de ses fils, un lien qui lui survivra, oui, c’est ça qu’il me fallait. Alors, merci Mme Da Costa. Et merci William du @livredepoche. Merci infiniment.

La magie dans les villes de Frédéric Fiolof

🖋 Mon avis :

Le saviez-vous ? La magie est partout. Sur les trottoirs, sous la pluie, sur les regards, sous les murs gris.

Mais si, faites moi confiance. Suivez cet homme étonnant et regardez. Il s’est défait de son envie de voyager, est parti toucher le fond, et a continué à plonger. Et de là, il regarde la vie qui reste en poésie. Entouré de ses morts et d’une fée fatiguée, de sa femme et de ses enfants, il se détache et recule, juste assez pour voir autrement.

Allez, venez. La balade vous emmènera. Où ? Ne cherchez pas à savoir. Vous irez du cimetière à la vie en vrai, ou pas. Il vous faudra alors accepter de lâcher, de décoller les pieds. Un peu Vian, un peu fou, Fiolof écrit en rêve. Alors, bien sûr, tout est faux, tout est vrai. Et puis, on saute-mouton, on lit en morceaux. Récit décousu ? Bien sûr. Ce sont des carrés de vie, des instantanés hallucinés. Cousez-les puis tirez la couverture. Elle saura vous emmener là où les gens trop sérieux ne vont pas, en fantaisie. Alors oui, il faudra avoir gardé le rythme de son cœur d’enfant je crois, pour se réchauffer sous ce plaid-là. Et il faudra savoir l’écouter pour goûter la poésie et l’absurde. Mais si vous êtes équipés, si vous avez l’ouïe assez fine, foncez.

J’ai découvert ce livre en épluchant le catalogue de Quidam Editeur pour participer au challenge #varionsleseditions et j’en suis ravie. J’ai lu ce que j’aime, un peu de folie, beaucoup de poésie. Un peu de légèreté sous les chaussures lestées du quotidien. De la magie dans les pages. Ce qu’il me fallait, assurément.